“Bottoms” : pourquoi vous allez bientôt entendre parler de ce teen movie queer | Les Inrocks (2024)

C’est ce que l’on appelle outre-Atlantique un “Sleeper”, un film qui rencontre, contre toute attente, un accueil enthousiaste. Teen movie queer déjanté, “Bottoms” mérite sans aucun doute cet intérêt, on vous explique pourquoi.

C’est le “sleeper” de la fin d’été aux États-Unis. Comprendre : le film que personne n’attendait et qui fait son chemin, lentement mais sûrement, au box-office. Sorti le 25 août dans une dizaine de salles seulement – où il a tout de même rapporté la jolie somme de 460000dollars –, Bottoms était la semaine dernière visible dans plus de 700 salles, pour des recettes multipliées par dix (4,3millionsdollars). Et il devrait encore augmenter sa combinaison à partir de ce week-end, de quoi sans doute rembourser son budget de 11 millions et, partant de là, commencer à engranger des bénéfices.

Distribué par Orion Pictures, une filiale de la MGM (elle-même propriété d’Amazon), Bottoms pourrait même, selon les analystes les plus optimistes, suivre les pas d’un autre “sleeper”, également sorti en catimini au printemps 2022 avant de devenir le succès que l’on sait : Everything Everywhere All At Once. Ce dernier détenait jusqu’ici le record (post-pandémie) de la meilleure moyenne par écran, que Bottoms vient de lui souffler…

Teen comedy

Quelque chose cependant nous retient d’imaginer un destin parallèle aux seconds longs métrages respectifs des Daniels et d’Emma Seligman — dans cette zone-ci du multivers en tout cas. Par ses thématiques (queer et cul) et par son style (punk et camp), Bottoms semble appartenir à une niche moins susceptible de conquérir les masses internationales et le cœur de l’Académie des Oscars que son lointain cousin A24esque. Mais nous serions ravis de nous tromper.

Bottoms est une teen comedy qui s’intéresse à deux meilleures amies, PJ et Josie, ouvertement lesbiennes mais pas en couple, qui rêvent de perdre leur virginité avant d’entrer à la fac. Ce pitch parfaitement canonique (Porky’s, American Pie, Supergrave, Booksmart, voire le surprenant Super-bourrés, sorti cet été en France…), exposé dans un prologue semi-improvisé aussi bizarre qu’hilarant, prend vite un tournant inattendu lorsqu’apparaît la stratégie, elle aussi improvisée, des deux jeunes filles pour parvenir à leurs fins : monter un fight club. Afin d’apprendre à leurs camarades à se battre dans l’expectative d’une rencontre footballistique inter-lycéenne réputée sauvage – ça ne tient pas vraiment debout, mais ça n’a aucune importance, dans l’économie surréaliste du film.

Que PJ et Josie n’aient pas la moindre compétence en combat ne les empêche nullement, en bonnes “maîtresses ignorantes”, de se jeter à corps perdu dans de sanglantes séances de pugilat qui les rendront, elles les “lesbiennes moches et sans talent” ainsi que les surnomme le principal du lycée, enfin populaires. Bottoms orchestre ainsi la rencontre explosive entre Monique Wittig (militante féministe lesbienne) et Jacques Rancière (théoricien de l’apprentissage populaire et horizontal), dans une gangue de comédie burlesque et résolument anti-naturaliste, qui évoque autant Cry Waters de John Waters que Napoleon Dynamite de Jared Hess ou encore le plus récent Pen15 de Maya Erskine et Anna Konkle.

Liberté créatrice

Si le film s’assagit progressivement et n’échappe pas à une perte de rythme, il n’en reste pas moins d’une audace folle. C’est assurément l’œuvre d’une cinéaste, au sens fort, que son premier film, Shiva Baby (disponible en France sur Mubi) avait déjà placé en 2020 sur la liste des gens à suivre. Tourné pour une bouchée de pain dans un lieu unique (un buffet de funérailles juives), cette adaptation de son court métrage de fin d’études (à la NYU) était l’occasion de solder quelques comptes familiaux et communautaires à partir d’expériences, si ce n’est personnelles du moins réelles. On y retrouvait déjà l’actrice Rachel Sennott (Bodies, Bodies, Bodies, The Idol), double de la réalisatrice à la présence si étrange, qui joue PJ dans Bottoms. Mais c’est Ayo Edebiri (révélée par la série The Bear) qui impressionne ici le plus dans le rôle de Josie. Sa prodigalité comique et sa capacité d’improvisation lui assurent déjà un grand avenir.

Même si le budget de Bottoms est vingt fois supérieur à celui de Shiva Baby (tout en restant très raisonnable), on sent qu’Emma Seligman a su en garder le contrôle artistique – ce dont atteste d’ailleurs un post Instagram montrant que les premières ébauches du scénario sur tableau blanc, il y a sept ans, ne sont pas si différentes du résultat final. Réjouissons-nous qu’un tel film de jeunesse, (elle n’a que 28 ans) fait entre amies et sans compromission puisse exister et espérons qu’il trouve vite le chemin des salles françaises, avant d’atterrir, inévitablement, sur une plateforme où sa fureur communicative risquerait de s’en trouver quelque peu émoussée.

Bottoms, de Emma Seligman avec Rachel Sennott and Ayo Edebiri

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